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La choule

Les jeux de balle existent depuis des temps immémoriaux sur presque tous les continents. On en trouve trace en Egypte, en Chine (tsu-chu), en Grèce (episkyros), à Rome (asphartum ou harpastum), chez les Esquimaux (aqsatuk), chez les Indiens d’Amérique du Nord (pasackquakkohog), dans les îles du Pacifique, chez les Mayas d’Amérique centrale dont le jeu exporté à Florence au XVIe siècle deviendra le giuco del calcio.

Le seault est pratiqué chez les Celtes de Gaule, la soule dans d’autres provinces françaises et la choule en Normandie. Le jeu va s’exporter en Angleterre et devenir le hurling over country ou hurling the goal, knappan ou foeth ball / fute balle puis football.

Gilles de Gouberville évoque à plusieurs reprises le jeu de choule fort prisé depuis longtemps.
Pour exemple voici un passage du Jeu de Robin et Marion d’Adam de la Halle (XIIIe s.) :

  • Robins  v.160      Diex que j’ai le panche lassee (Dieu ! que j’ai des douleurs dans le ventre)

  • v.161                     De le chole de l’autre fois. (D’avoir joué à la choule l’autre jour.) 

Principe du jeu de choule

il s’agit, soit de ramener la balle (le plus souvent une vessie de porc recouverte de cuir) à l’aide ou non de bâtons sur le parvis de son église, soit de la déposer chez l’adversaire, parfois à grande distance à travers champs, forêts, cours d’eau, … Il peut y avoir ou non des poteaux. La choule se joue à la limite géographique de deux paroisses qui s’affrontent. Il peut également s’agir de rencontres entre célibataires et hommes mariés, ou tout simplement de groupes d’amis. Les équipes peuvent compter de 20 à 200 joueurs. Tous les coups sont permis. La partie peut se poursuivre plusieurs jours jusqu’à épuisement des forces des adversaires.

La choule au Mesnil-au-Val

On joue à la choule en hiver, à Noël ou à l’Epiphanie. Elle se pratique avec des bâtons.
C’est un jeu violent. Un exemple : la partie du 25 décembre 1555, après les vêpres :
« Cantepie me poussé si fort de son poing en courant contre moy, sur le tétin dextre, qu’il me fist faillir la parole et à grande difficulté on me peult ramener céans. Je me cuydé esvanouyr en venant et perdy la veue près de demy-quart d’heure, parquoy fus contrainct de prendre le lict ». (Cantepie me heurta si fort sur le sein droit avec son poing en me bousculant, que j’eus le souffle coupé et qu’on ne parvint à me ramener ici qu’avec grande difficulté. Je crus m’évanouir en venant et je perdis la vue près d’un demi-quart d’heure, ce qui me contraignit à prendre le lit).
Il ne sera rétabli que trois jours plus tard !


Voici le compte-rendu par Gilles de la choule du 15 janvier « 1553 » (1554 pour notre calendrier) :
« dymenche XIIII° (..) Au soyer sur les unze heures , j’envoyé François Doisnard chez mon cousin de Brillevast et chez le cappitaine du Teil porter des lettres affin qu’ils nous amenassent de l’ayde por la choule de Sct Mor à demain. (…)
Lundy XV°, jor Sct Mor avant que fusse levé, Quinéville, Groult et Ozouville, soldat au fort arrivèrent céans venant de Vallongnes. Nous desjeunasmes tous ensemble puys allasmes à Sct Mor , eulx, Cantepie, Symonnet, (…) et plusieurs aultres ; nous y arrivasmes comme on disoyt la messe, laquelle dicte maistre Robert Potet me bailla ung paquet (…) puys jecta la pelotte et fut débattue jusques viron une heure de soleil et menée jusques à Breteville où Gratien Cabart la prinst et la gaigna. Y estoyent mon cousin de Rafoville, mon cousin François de Brillevast (…) et plusieurs aultres de nostre party; et des adversayres Leparc, Arteney, (…) et leur bende, et quelque peu de Cherbourg (…). Led. jour, en nous revenant, Cantepye demeura à soupper chez Jacques Cabart por ce qu’il cestoyt mis en la mer et avoyt esté fort moullé et changé d’accoustrement chez Rouxel (…) En passant chez Cosmet du Bosc (…) nous heusmes un pot de fort bon cydre et ung cymenaulx ». [dimanche 14 (..) Le soir vers 11 heures, j’envoyai François Doisnard porter des lettres chez mon cousin de Brillevast et chez le capitaine du Theil afin qu’ils nous amenassent de l’aide pour la choule de demain à la saint Mor [Saint Mor; lieu-dit à Tourlaville à côté de Cherbourg]. (…) Lundi 15, jour de la saint Mor avant que je ne fusse levé, Quinéville, Groult et Ozouville, soldat au fort, arrivèrent ici, venant de Valognes. Nous déjeunâmes tous ensemble puis nous allâmes à Saint Mor, eux, Cantepie, Symonnet [membres de la famille et de l’entourage de Gilles], (…) et plusieurs autres ; nous y arrivâmes alors qu’on disait la messe ; quand elle fut dite, maître Robert Potet me donna un paquet (…) puis il jeta la pelote qui fut disputée jusqu’à environ une heure au soleil (vers 14 h.) et conduite jusqu’à Bretteville (env. 7 km) où Gratien Cabart la prit et la gagna. Y étaient mon cousin de Rafoville, mon cousin François de Brillevast (…) et plusieurs autres de notre parti ; ainsi que nos adversaires Leparc, Arteney, (…) et leur bande, et quelques uns de Cherbourg (…). Le même jour, en nous revenant, Cantepye resta dîner chez Jacques Cabart car il était tombé à la mer [pendant la partie de choule] et était trempé ; il s’était changé de vêtements chez Rouxel (…). En passant chez Cosmet du Bosc (…) nous eûmes un pot de fort bon cidre et un cymenaulx [pain amélioré avec des oeufs, etc].

Popularité et « descendance » de la choule

Très jouée en campagne, la choule n’est pas qu’un jeu populaire : le roi de France Henri II y joue avec ses gentilshommes dont le poète Ronsard. Toutefois et probablement en raison des violences qu’il génère, ce jeu va être plusieurs fois officiellement interdit tant en France qu’en Angleterre. Ces interdictions ne vont pas être très efficaces puisque qu’il va continuer à être pratiqué jusqu’au XIXe siècle où il sera définitivement interdit.
D’autre jeux, développés dans les écoles anglaises, vont le remplacer. Les dimensions des pelouses influent sur les règles du jeu. Sur de petites surfaces ne sera pratiqué qu’un jeu au pied : le dribbling game – notre actuel football -. Sur des surfaces plus importantes on va continuer à jouer au pied et à la main, ce sera le cas au collège de Rugby (Warwickshire, Angleterre) où se crée le jeu de football-rugby bientôt rugby.

Jacqueline Vastel

Note: Dans plusieurs provinces, jusque dans le midi de la France, le jeu est encore populaire auprès des collégiens et lycéens sous le nom de soule. Il s’agit alors d’un jeu sans baton, où une gourde remplie d’eau remplace souvent le ballon. Tous les coups sont permis… dans les limites de notre époque ! En Normandie et en Picardie le jeu fait l’objet d’une renaissance reglementée 

choule petite.jpg

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