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Erreurs et lacunes

Les versions antérieurement publiées du Journal de Gilles de Gouberville (édition des Antiquaires de Normandie en 1894-95 et son reprint aux Editions des champs en 1993-94) sont issues de tout un processus de transcriptions manuscrites puis de compositions typographiques dont le résultat n’est pas sans défauts : erreurs de lecture, omissions et lacunes.

La correction de ces anomalies est aujourd’hui, dans la mesure du possible, un préalable à toute étude approfondie du document goubervillien. Cela a été réalisé pour la réédition du Comité (2020-2021) selon le processus décrit ci-dessous.

Les trois registres du manuscrit original sont maintenant inaccessibles, peut-être même perdus, et il n’en a pas été fait de copie photographique complète ; une douzaine de pages seulement sur 2 550 environ, soit 0,5%, ont été reproduites.

Il n’existe actuellement que deux documents permettant de contrôler le texte publié :
– la transcription manuscrite de l’abbé Tollemer, conservée aux Archives de la Manche,
– les corrections que Paul Le Cacheux a effectuées juste avant la seconde guerre mondiale en se servant des deux registres mis à sa disposition : ceux qui couvrent les années 1553 à 1563 (tomes II et III de l’Edition des champs), découverts et utilisés par Tollemer.


Le premier de ces documents permet d’apprécier l’opération de transcription et d’attribuer la responsabilité des erreurs soit à Tollemer, soit au typographe. Quant au second, il fournit la totalité des erreurs et lacunes découvertes par Le Cacheux dans les années considérées, avec leur correction.

Pour le registre utilisé par Auguste de Blangy, correspondant aux années 1549 à 1553 (tome I de l’Edition des champs), il n’existe malheureusement aucun moyen de contrôle alors qu’il y a tout lieu de penser que de nombreuses erreurs et oublis ont aussi été commis lors de sa transcription puis de la composition typographique.

Les corrections faites par Paul Le Cacheux (qui sont disponibles aux Archives de la Manche) fournissent un précieux complément aux lecteurs du Journal pour la partie de 1553 à 1563.


Leur nombre total s’élève 2 400 environ, soit une moyenne proche de trois par page imprimée ; pour les deux tiers, la responsabilité des erreurs incombe à Tollemer et pour un tiers au typographe. Une ventilation entre toutes ces corrections permet d’en faire la répartition suivante : 37% d’erreurs ou de mauvaises lectures sur des mots ou des noms communs, 22% d’erreurs sur des noms propres, 10% d’erreurs sur des chiffres (comptes), 31% de lacunes de mots, de groupes de mots, voire de phrases entières.


Dans la grande majorité des cas, les corrections concernent des fautes mineures ne modifiant pas sensiblement le sens du texte ; elles ne sont alors utiles que dans le cadre d’études très détaillées. Cependant, les erreurs et les lacunes, même sur un seul mot, peuvent parfois mener à de mauvaises interprétations ou à des contresens sur des personnages ou des événements. Lorsqu’il est écrit, le 19 juillet 1559 : « pour ce que lesd. faulcheurs n’eussent pu achever se jourd’huy sans cydre, je fys venir deux faulcheurs de Cherebourg,…», il ne faut pas en déduire que le travail du jour dépend étroitement de la quantité de boisson fournie au personnel puisqu’en réalité il faut remplacer « cydre » par « ayde » ; il apparaît donc que ce jour là, Gouberville manquait de bras pour achever le fauchage des prés de Tourlaville.


Enfin, les corrections de Paul Le Cacheux permettent la récupération de lacunes importantes, correspondant le plus souvent à des paragraphes de deux ou trois lignes, « sautés » par Tollemer ou par le typographe.
Dans sept cas, ces paragraphes représentent un jour entier dont l’oubli s’explique par l’inattention du transcripteur alors que plusieurs journées, de texte court, se succèdent en commençant par la formule « je ne bougé de céans ».


La lacune la plus longue et la plus gênante est due au « saut » par le typographe de deux pages du texte de Tollemer ; elle couvre la fin du 25 mai, les 26, 27, 28 et 29 mai et le début du 30 mai 1556. Ont ainsi été « oubliés » : la fête à la Boussaye le lundi de Pentecôte, un vol de vache, des dégâts par les moutons aux fieffes de la Haye de Digosville, un arpentage de terres à Sauxemesnil, un déplacement à Gouberville et, en partie, la foire de la Pernelle. Curieusement, l’une des rares photographies prises sur le manuscrit original concerne la fin de cette lacune (29-30 mai).

Les précieuses corrections de Paul Le Cacheux ont bien sûr sauvé l’essentiel, pour la majeure partie du Journal, mais elles ne peuvent empêcher les regrets pour l’inaccessibilité du texte rédigé de la main du sieur de Gouberville.

Marcel ROUPSARD

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